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  • Writer's pictureEmma Gagnon Naudot

Mieux vaut rire qu'en pleurer (le 3/4 du temps)


Je déteste faire des choix. Ça me répugne. Je suis tellement indécise que mon indécision est un sujet régulier de moquerie entre mon père et moi. Il me taquine constamment à coup de

« choisir, c’est renoncer » , histoire de bien me mettre la pression mais aussi le sourire aux lèvres. On a fini par créer un personnage que je fais particulièrement ressortir en sa présence: la fille qui ne prend aucune décision. Elle se fusionne aussi parfaitement avec mon personnage de feignasse pour qui le moindre effort est accompagné de sa réplique culte

« ouf… je trouve que tu m’en demande beaucoup là… ».


C’est comme ça que l’on fonctionne avec mon père; on satirise nos défauts jusqu’à les trouver tellement amusants qu’on finit par les apprécier sincèrement. Lui, il aime bien jouer le gars narcissique qui ramène toujours tout à lui. Son slogan: « … Et si on parlait de moi? »


Quand il a fallu, après un an de pandémie et cinq ans de cégep, que je choisisse un programme d’étude universitaire, je suis allée passer la semaine chez lui. Avec l’aide de ma belle-mère, on a passé au peigne à poux tous les programmes de l’UQAM. Un deux/trois jours d’éclats de rire innombrables en compagnie d’un égocentrique narcissique, d’une indécise languissante, et, heureusement, d’une rationaliste sensible. La blague du « va en développement de carrière pour être conseillère d’orientation parce que tu sais pas quoi faire de ta vie »


a évidemment été dite très tôt et accueillit inévitablement de plusieurs yeux en

l'air, mais il fallait bien qu’un d’entre nous déclare fièrement ce classique pour que l’on puisse passer à autre chose. On a par la suite été subjugués pendant au moins une heure par le nom de certains programmes. « Présence attentive » nous a fait réfléchir sur la valeur de notre attention, sur la dégénération de celle-ci depuis les avancées technologiques et sur la présence destructive des humains pour la planète; ironiquement, nous sommes allés tellement loin dans notre cheminement philosophique que nous avons complètement oublié de prêter attention au réel enjeu; me trouver un programme universitaire. En continuant la liste, nous avons aussi été pris de court par « Résilience, risque et catastrophe », qui nous a assurément lancé dans une appréciation de The Office (spécifiquement l’hilarant épisode Stress relief) à laquelle même mes deux sœurs de 11 ans ont pu participé, étant de grandes fans sans même parler anglais, ce qui en dit long sur l’excellence de cette série. Le grand coup de cœur de la soirée a été l’incroyable programme nommé « Science de l’atmosphère »; nous sommes rapidement partis dans un délire où ce programme permettrait d’être certifié en tant qu’expert de l’ambiance. Qui n’aimerait pas pouvoir arriver à une soirée quelconque et déclarer, en sortant son diplôme, que l’ambiance générale n’est pas approuvée par les experts ? Peut-être juste nous… Finalement, mon père n'a aussi pas pu s'empêcher de mentionner le programme « Handicape et sourditude: droit et citoyenneté » afin de rire pour une énième fois et sans aucune originalité, de ma surdité partielle. J’ai, bien entendu, feint de ne pas l’avoir entendu.


Toujours est-il que grâce à ma belle-mère et mon père (je répugne à ne pas écrire papa, mais père sonne mieux lorsqu'il est précédé de mère), j’ai réduit mes choix aux bacs de Linguistique et de Littérature sans que l’angoisse me démange le ventre.


Je ne crois pas qu’il le réalise, mais cette forme d’humour que mon papa (ah ha!) m’a transmise m’a récemment sauvé l’esprit. Il m’a appris non seulement à dédramatiser mes complexes et mes défauts par le rire et la bonne humeur, mais aussi à les accepter et, avec l’aide du temps et des blagues à la con, à les aimer. Et si le bonheur ne réside pas dans l’acceptation et l’amour de soi, je n'ai aucune idée d'où il peut bien se trouver.


C’est peut-être une bonne chose au fond qu’il ne le réalise pas, il a déjà tout un égo…




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